Et si ?

Recherches en vue d’une création à l’automne 2025


Le 3 juillet 1944 la République Libre du Vercors est proclamée. Bien au-delà de sa dimension militaire, cet acte historique révèle un projet utopique : il propose un contre-État et imagine un nouveau monde, plus respectueux des existences. Le programme du Conseil National de la Résistance est révolutionnaire dans ses propositions et a permis de mettre en œuvre des idéaux : sécurité sociale, retraite, culture, liberté de la presse.

Et si cela avait marché ?

Imaginons cette utopie : quels pourraient être les contours de cet îlot de liberté, cette Zone À Désirer ?

Et si chacun et chacune de nous était, telle la Blanquette de Monsieur Seguin, de celui ou celle qui part dans la montagne ? Qui suit son instinct et assume ses choix malgré les dangers ?

A partir de l’étude d’une œuvre littéraire – La chèvre de Monsieur Seguin d’Alphonse Daudet – et de sa résonance avec notre histoire et notre époque contemporaine, nous tenterons de tracer les contours d’un espace qui nous ferait rêver ; un endroit désirable dans lequel on se sentirait enfin libres. Quelle est cette montagne face à nous ? Qu’abrite-t-elle ? Qui s’y trouve, et pourquoi ? Quels sont ses dangers, et ses beautés ? 

Une quête, la recherche du bonheur et de la liberté.


La chèvre de monsieur Seguin d’Alphonse Daudet – l’histoire

Monsieur Seguin élevait des chèvres avec beaucoup d’amour. Pourtant, celles-ci finissaient toujours par s’échapper pour gambader en montagne, goûter l’herbe des pâturages et finalement mourir dévorées par le loup.

Persévérant malgré tout, M. Seguin décida d’acquérir encore une chèvre. Il la choisit toute jeune, afin qu’elle s’habitue bien à lui, espérant qu’ainsi elle resterait près de lui. Il l’appela Blanquette et l’entoura de tous les soins possibles. Malgré cela, elle se mit à rêver des larges espaces des montagnes, des fleurs sauvages au goût sucré de liberté. M. Seguin avait beau redoubler de soin, essayer de la convaincre, l’enfermer dans l’étable, rien ne pouvait retenir Blanquette. Elle s’échappa et profita toute une journée des hauts pâturages. 

Pourtant, à la nuit tombée, les hurlements du loup lui rappelèrent les avertissements de M. Seguin. 
Pourtant, à la nuit tombée, la trompe de M. Seguin lui rappela qu’elle ne pourrait plus vivre enfermée dans un enclos, attachée à un pieu. 

Elle resta dans la montagne, prête à faire face au loup.

Décidée à défendre chèrement sa vie et l’honneur de sa lignée, Blanquette lutta toute la nuit contre le loup. Au lever du soleil, fière et épuisée, elle s’écroula.


« Il n’est point de bonheur sans liberté, ni de liberté sans courage. » PERICLES

Les enjeux

Au pied des digitales et des campanules pousse la liberté. Et derrière le bucolisme des herbes folles se pose la question du refus d’obéissance, sans violence, mais avec détermination. 

Alors que notre société se transforme vers toujours plus de contrôle, de normes, nous souhaitons interroger cette chaîne invisible qui, tel un bracelet électronique, nous maintient en liberté surveillée. Cette chaîne qui se raccourcit au fil du temps, “pour notre bien”, “pour notre protection”.

S’exprime alors le viscéral besoin de rêver, d’imaginer, d’envisager les choses autrement. Le besoin de croire en la possibilité de se libérer de cette chaîne. Qu’elle soit physique, sociale, psychologique, elle nous retient comme prisonniers et prisonnières. Et la prison peut être confortable, prendre les meilleurs atours, cela n’en reste pas moins un endroit de servitude, de renoncement. Il est temps d’aller là où notre instinct nous guide et de rencontrer la beauté du monde !

Ce travail de recherche, notamment avec des jeunes gens, nous permettra de creuser ces questions et, à la lumière de nos échanges avec elles et eux, de renforcer tel ou tel axe dans notre création future. Il nous permettra de comprendre quelles sont leurs préoccupations les plus fortes, pour imaginer par la suite un spectacle qui leur parle.


Les pistes de réflexion

La démarche première de ce temps de recherche consiste à réfléchir aux questions posées par l’histoire d’Alphonse Daudet, à les transposer dans notre présent pour penser notre existence. Par la mise en relation avec d’autres exemples – réels ou fictionnels, passés ou actuels – nous souhaitons analyser notre rapport à la soumission, au confort, à la prise de risque, à la notion de valeur, aux désirs. À la liberté, au bonheur.

  • C’est quoi obéir ? Et désobéir ? Et pourquoi est-ce qu’on le fait ?
  • Y a-t-il des motifs légitimes et d’autres qui ne le sont pas ?
  • Y a-t-il quelque chose ou quelqu’un·e qui ferait autorité ? Est-ce immuable ? Qui décide pour qui ?
  • La tradition et les habitudes peuvent-elles être remises en question ? Le doivent-elles  ?
  • La richesse est-elle forcément matérielle ?
  • La survie est-elle plus importante que tout ?
  • Qu’est-ce qui donne du sens à nos actions ?
  • L’amour des siens et le confort matériel suffisent-ils à être heureuxe ?
  • Pourquoi on part quand a le confort et l’affection ?
  • Quels sont les déclencheurs ce départ ? 
  • Le bonheur vaut-il le coup qu’on meure pour lui ? Et la liberté ?
  • Certaines activités ont-elles plus de valeur que d’autres ?
  • L’oisiveté est-elle néfaste ?
  • Les combats perdus d’avance doivent-ils être abandonnés ?
  • Peut-on s’affirmer sans violence ?